samedi 24 octobre 2009

Arrivée à Damas : grosse perf'


[Message écrit à chaud le 13 aout, quelques heures après mon arrivée...]

Après un mois passé à Sana’a, Damas me tendait les bras, pour de nouvelles aventures. Autant dire tout de suite que le voyage lui-même ne fut pas de tout repos. Départ prévu à 8h, vol Sana’a-Damas, toujours avec la compagnie Yemenia, donc départ prévu vers 5 heures du collège où j’étudiais alors.

L’histoire ici requiert une rapide mise en contexte. Le staff de l’YCMES ayant prévu une improbable soirée déguisée/jeu de rôle, la nuit s’annonçait courte. La population de l’YCMES comptant par ailleurs une branche représentative de binge-drinkers dégénérés, la soirée s’annonçait longue et mouvementée.

Le thème « cow-boy » de la soirée me donnait la brillante idée de me raser en laissant deux immondes rouflaquettes pendouiller de part et d’autre de mon visage, et de parfaire ce déguisement improvisé par une bonne dose de gel maintenant mes cheveux en arrière, produisant un style gras-luisant des plus sexys. Je passerai sur la soirée en elle-même, pendant laquelle l’épreuve majeure fut de résister aux verres offerts afin de survivre aux épreuves du lendemain. Un mouvement collectif improvisé nous faisait alors prendre la direction du club russe évoqué dans l’un des précédents articles. Après que l’on nous ai signifié que nous ne rentrerions pas sans passeports et que le garde (oui, garde : un vigile a rarement une kalachnikov a la main) ait émis de sérieux doutes sur l’identité d’une des filles (toujours déguisée en cow/call-girl) et sur sa nature de prostipute (flatteur, elle apprécia), première difficulté administrative, bien que minime. Aller retour au collège pour prendre les sacrosaints passeports donc. La soirée dure, dure. Et le temps passe, passe. A 3h, un éclair de lucidité m’amène à prendre le chemin du retour, pour finir ma valise. Bouclée à 4h30, et après de larmoyants adieux, départ pour l’aéroport.

N’ayant pas eu le temps de me doucher ni de me changer (le Yémen, ça vous gagne), j’étais, comme qui dirait, beau comme un camion : chemise qui pue la clope, rouflaquettes dégueulasses, coupe de cheveux new-style après avoir tant bien que mal essayé de virer l’immonde couche gélatineuse (semi-échec), et chaussures de marche aux pieds pour alléger la valise. Une illustration parfaite des expressions « avoir de petits yeux » et de la non moins célèbre « avoir la tête dans le cul » suffiront à vous dresser un tableau relativement fidèle de l’état dans lequel j’espérais arriver à l’aéroport. J’espérais oui… Alors que je somnolais à moitié dans le pick up qui m’emmenait vers le grandiose Sana’a International Airport, un choc violent me réveillait et m’arracher un retentissant « putain » de circonstance. Une jeep militaire (russe à première vue, agrémentée d’une mitrailleuse tirant des balles de la longueur de ma main) venait nous emboutir avec allant et générosité. Voiture pliée, tronche hébétée : voyage bien commencé !

Dans une atmosphère assez surréaliste, je rallie donc l’aéroport à pieds, avec mes sacs et leurs 40 kilos, un état de forme paralympique et un sentiment de ras le bol qui commence déjà à poindre. Arrivée à l’enregistrement dans un aéroport vide : « you have ticket ? ». Présentation du ticket. «Ayi mushkillah ??? » « I don’t see you on my computer ». Tête abbatue. Après un bref passage au comptoir de Yemenia, j’apprends que mon billet a été annulé, « it is an error, I am sorry ». Bonne nouvelle. Deuxième gros sentiment de solitude quand ma valise est pesée, que je m’aperçois que j’ai 7kg de surpoids. Et que le guichetier ne relève même pas. J’ai alors apprécié les deux heures passées à jauger ce que je devais/pouvais laisser à Sana’a pour ne pas avoir à payer une surtaxe trop importante.

Enfin, je me dirige vers la salle d’embarquement. Dans laquelle, bien sûr, aucun panneau n’indique où et quand partent les avions. S’ensuit un chassé croisé dans le hall pour finalement apprendre qu’une seule porte fonctionne et que les avions sont donc chargés vol après vol (…). Après tout ça, la vue de câbles pendant sous les ailes de l’avion de manière suspecte ne m’arrachait plus qu’un soupir, tout comme le fait de se retrouver à côté de la porte de secours dans l’avion, et de sentir cette même porte trembler pendant tout le vol. Je privilégiais alors l’option « je me rapproche du gros saoudien suant », et m’éloignais au maximum de la porte, répondant à un simple (mais malheureux pour mes cellules olfactives) instinct de survie.

Après ces premiers épisodes, ENFIN j’arrive à Damas, et commence ENFIN à sourire. Pas trop longtemps quand même. Fort de l’affirmation de l’ambassade française à Damas qu’il est possible d’obtenir un visa à l’aéroport, je me présente au guichet avec mon passeport flambant neuf, et orné d’un seul et unique visa yéménite. Mon optimisme chute rapidement quand le douanier me dit que non, on ne donne pas de visa à la frontière. A ce stade là, la force même de jurer a disparu, remplacée par des envies de meurtres. Après avoir passé presque deux heures dans les bureaux de l’immigration (aussi sexys que les commissariats yéménites, seul le président dans les milliers de posters agrafés sur le mur a changé), j’obtiens un visa d’un mois, non prolongeable… On verra plus tard. Pendant ce laps de temps, les bagages de mon vol ne sont plus sur le tapis roulant, bien sûr… Je demande à un bagagiste. Qui de manière évidente savait, mais voulait mériter un bakchich. Je fais donc le tour de la salle avant de m’apercevoir moi-même que ma valise était sur le côté, là où j’étais entré. Après avoir tenté de me débarrasser de l’envahissant relou (et l’avoir arnaqué en lui donnant des riyals yéménites…donnant donnant, arnaqueur arnaqué : je reprenais des couleurs), je sors de l’aéroport pour appeler l’hôtel réservé par mail depuis le Yémen. Bien entendu, ma réservation a été elle aussi annulée, et plus de chambres disponibles.

Dans un élan de naïveté, je monte dans un taxi pour Damas, et lui demande s’il connait un hôtel pas cher, n’ayant plus le courage ni la patience de chercher par moi-même. A posteriori, j’aurai du me forcer. Délesté d’une somme parisienne pour le taxi et propulsé dans un hôtel à la façade se voulant ressemblante à un chateau fort (avec dans le role des chevaliers Saladin, Geronimo ou encore une forme de Davy Crockett arabisé), je commençais mon séjour en Syrie de la meilleure des manières. Et allais me coucher directement, au moins aussi puant que mon voisin saoudien du vol Sana’a-Damas… Des débuts rêvés donc.

Edit : la positivitude qui se dégage de ce message est due à l'écriture à chaud... Relativitude à venir.

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