samedi 31 octobre 2009

Chouf! Chouf al-Jamal!


Trois mois après un week end d’âpres tractations à Monchy au bois, forme de Camp David moderne revisité à la sauce locale, Pauline et moi avions désigné Pétra comme notre futur point de rencontre. Si le week end monciaquois avait été mouvementé, ces dix jours le furent tout autant.

Part 1 : Pétra et chips au lebneh

Le premier jour à Pétra fut relativement écourté du fait des effets particulièrement joussifs (et appréciés à leur juste valeur) d’une sévère insolation. Possibilité nous a néanmoins été offerte de nous sentir l’espace d’un moment dans la peau de Nic’ et Carla, face à au monument phare de Pétra, la Kazneh. Ce moment aurait pu être magique si une touriste (dont le courage immense et les encouragements suintants de ses amis sincères l’avaient poussé à monter sur un chameau) n’avait pas sonorisé la vallée de cris perçants et usants, tout en donnant à la scène des tons d’accouplement bovino-camélidé. Malgré cette expérience lourdingue bien qu’enrichissante pour la science, nous avons toutefois pu profiter du site dans un calme relatif (sentiment généré par l’immensité du site, et par la concentration des touristes sur les quelques monuments très connus). Le peu de cas fait de la préservation du site nous permettait par ailleurs d’avoir accès à tout et n’importe quoi, des sommets de la cité à l’intérieur des tombes… Jordanian Style : pas de barrières ni de guides, pas de conservateurs ni de policiers actifs ; on ne saurait s’en plaindre (en revanche le site risque de faire la gueule, dans un futur relativement proche). Les façades et autres constructions imposantes et millénaires se succèdent, produisant une sensation de poids du temps, de majesté et de puissance de ces mêmes bâtiments, certaines façades étant construites à plusieurs dizaines de mètres du sol.

L’autre avantage du site étant la possibilité de s’écarter de la masse touristique pour marcher aux alentours et découvrir d’autres paysages sympas (genre ça, ou ça). Possibilité pour nous également de montrer notre potentiel de chèvres/boucs grimpant et sautant de rochers en rochers. Un point pour moi dans ce domaine.

La sieste étant ici comme ailleurs une obligation vitale pour chaque individu, nos plans de marches vers les sommets de Pétra et le Monastère, autre monument phare, se virent compromis le deuxième jour, le soleil se couchant peu après 5 heures. Après un entêtement paulinien, nous montons tout de même pour finalement suivre le coucher de soleil du haut de Pétra, en face du Djebel Harun (Aaron, du nom du pote de Jésus, qui y serait enterré. Amis païens, bonsoir). Rencontre improbable avec un bédouin qui vit ici (par ici j’entends : sur les sommets de Pétra, au milieu des montagnes, au milieu de rien donc) avec lequel s’ensuit une longue discussion sur le sens à donner à une vie, et l’harmonie comme vecteur directeur de toute action. Après cette discussion relativement troublante, la descente sur Pétra se fit sous la pleine lune. Et…surprise… quand nous arrivons sur le site lui-même : il n’y a plus personne, ni touriste ni policier, juste quelques bédouins qui vivent à même le site et nous invitèrent à boire le thé et à jouer du oud). Nous avons donc fait Pétra by night à deux, sous une lumière suffisante pour distinguer clairement les façades… 1-1.


Part 2 : Wadi Rum et traversée du désert


La deuxième partie de notre épopée jordanienne nous amenait au milieu du désert, dans un camp bédouin au milieu du Wadi Rum, région désertique au sud de la Jordanie. Le cadre en lui-même se révèle rapidement magnifique, l’immensité désertique prenant des teintes diverses, du rouge ocre au jaune, en passant par des tons bleus mauves (en fait je parlais du sable, pas des roumaines rencontrées au milieu du désert), dans lequel se perdent canyons et autres masses rocheuses semblant un peu pommées au milieu de nulle part.

Le paroxysme de ce séjour au milieu du désert devait être une ballade en chameau…Une fois encore, nous n’avons pas été déçus. Forcément, le chamelier me refile la bête la moins maîtrisable. Et une cravache pour la faire avancer. Ayant une grande expérience en matière d’équitation, comparé à Pauline, j’étais particulièrement à l’aise dès le début. Quelques kilomètres plus tard, nous nous faisions toutefois au rythme balançant de nos montures et commencions à faire preuve d’une aisance certaine. Nous mangeons au milieu du désert, Pauline se fait mettre à l’amende à la bataille du pouce par un gosse n’ayant jamais joué, normal. Et là, c’est le drame. Peu après la pause déjeuner, le chamelier décide de laisser reposer les chameaux pour aller voir une source d’eau un peu plus loin sur une petite montagne (admirez la description précise). Dépité, j’assiste alors à la fuite des chameaux, se défaisant à une vitesse impressionnante de leurs liens pour partir gaiement, et rentrer au village. La relation amoureuse développée avec mon chameau lors de la marche du matin lui donnait quand même quelque remords, et c’est avec résignation et amour qu’il revenait vers moi, laissant le chameau de Pauline disparaître à l’horizon. Il est ici important de dire que si mon chameau s’était aussi enfui, nous aurions certes été pommé au milieu du désert, mais nous aurions aussi perdu eau, appareils photos, et surtout passeports… Toutefois, dans un élan de galanterie, je laissais mon nouvel ami à Pauline, et n’avais plus que mes pieds pour marcher sous ce climat tellement accueillant. Inutile de dire que je transpirais la joie, pendant que dans un élan de solidarité et de générosité, Pauline prenait des photos d’elle et me tendait amoureusement de l’eau croupie. Le retour au camp fut salutaire, occasion pour nous de faire la sieste et de rater le coucher de soleil. Plutôt bien joué quand on sait que le camp s’appelle le Sunset camp et se targue d’être le meilleur poste d’observation pour le coucher de soleil de tout le Wadi Rum. Wallah on n’est pas des touristes nous. Après ces émotions, départ pour la mer Rouge.

Part 3 : Aqaba, coups de soleil, coquillages et crustacés


Après deux jours de crasse au milieu du désert, notre désarroi et notre malheur nous conduisait vers la mer Rouge. Un temps affreux : pas de nuage, un vent de mer rafraichissant et seulement 35°… Bien qu’unanimement désignée comme la ville la plus laide de Jordanie, nous décidions de faire avec et passions quelque jours d’ennui, partagés entre piscine, plongée sous marine, ballade en bord de mer, restos (toujours pas de porc, crise en approche) et snorkelling : retour à la vie européenne le temps de quelques jours… Miskin comme on dit ici. Pas grand-chose à ajouter au sujet de la ville en elle-même, qui est réellement moche, bien trop industrialisée (on dirait Calais avec la mochitude de la côte en moins), et qui plus est proche du pays qui n’existe pas. Toutefois le récif corallien, plutôt en bon état (enfin semble en bon état, mes capacités de jugement étant relativement faibles), et les quelques épaves visibles et faciles d’accès offrent des paysages sous marins magnifiques, qui viennent clore en beauté un séjour rêvé.

samedi 24 octobre 2009

Arrivée à Damas : grosse perf'


[Message écrit à chaud le 13 aout, quelques heures après mon arrivée...]

Après un mois passé à Sana’a, Damas me tendait les bras, pour de nouvelles aventures. Autant dire tout de suite que le voyage lui-même ne fut pas de tout repos. Départ prévu à 8h, vol Sana’a-Damas, toujours avec la compagnie Yemenia, donc départ prévu vers 5 heures du collège où j’étudiais alors.

L’histoire ici requiert une rapide mise en contexte. Le staff de l’YCMES ayant prévu une improbable soirée déguisée/jeu de rôle, la nuit s’annonçait courte. La population de l’YCMES comptant par ailleurs une branche représentative de binge-drinkers dégénérés, la soirée s’annonçait longue et mouvementée.

Le thème « cow-boy » de la soirée me donnait la brillante idée de me raser en laissant deux immondes rouflaquettes pendouiller de part et d’autre de mon visage, et de parfaire ce déguisement improvisé par une bonne dose de gel maintenant mes cheveux en arrière, produisant un style gras-luisant des plus sexys. Je passerai sur la soirée en elle-même, pendant laquelle l’épreuve majeure fut de résister aux verres offerts afin de survivre aux épreuves du lendemain. Un mouvement collectif improvisé nous faisait alors prendre la direction du club russe évoqué dans l’un des précédents articles. Après que l’on nous ai signifié que nous ne rentrerions pas sans passeports et que le garde (oui, garde : un vigile a rarement une kalachnikov a la main) ait émis de sérieux doutes sur l’identité d’une des filles (toujours déguisée en cow/call-girl) et sur sa nature de prostipute (flatteur, elle apprécia), première difficulté administrative, bien que minime. Aller retour au collège pour prendre les sacrosaints passeports donc. La soirée dure, dure. Et le temps passe, passe. A 3h, un éclair de lucidité m’amène à prendre le chemin du retour, pour finir ma valise. Bouclée à 4h30, et après de larmoyants adieux, départ pour l’aéroport.

N’ayant pas eu le temps de me doucher ni de me changer (le Yémen, ça vous gagne), j’étais, comme qui dirait, beau comme un camion : chemise qui pue la clope, rouflaquettes dégueulasses, coupe de cheveux new-style après avoir tant bien que mal essayé de virer l’immonde couche gélatineuse (semi-échec), et chaussures de marche aux pieds pour alléger la valise. Une illustration parfaite des expressions « avoir de petits yeux » et de la non moins célèbre « avoir la tête dans le cul » suffiront à vous dresser un tableau relativement fidèle de l’état dans lequel j’espérais arriver à l’aéroport. J’espérais oui… Alors que je somnolais à moitié dans le pick up qui m’emmenait vers le grandiose Sana’a International Airport, un choc violent me réveillait et m’arracher un retentissant « putain » de circonstance. Une jeep militaire (russe à première vue, agrémentée d’une mitrailleuse tirant des balles de la longueur de ma main) venait nous emboutir avec allant et générosité. Voiture pliée, tronche hébétée : voyage bien commencé !

Dans une atmosphère assez surréaliste, je rallie donc l’aéroport à pieds, avec mes sacs et leurs 40 kilos, un état de forme paralympique et un sentiment de ras le bol qui commence déjà à poindre. Arrivée à l’enregistrement dans un aéroport vide : « you have ticket ? ». Présentation du ticket. «Ayi mushkillah ??? » « I don’t see you on my computer ». Tête abbatue. Après un bref passage au comptoir de Yemenia, j’apprends que mon billet a été annulé, « it is an error, I am sorry ». Bonne nouvelle. Deuxième gros sentiment de solitude quand ma valise est pesée, que je m’aperçois que j’ai 7kg de surpoids. Et que le guichetier ne relève même pas. J’ai alors apprécié les deux heures passées à jauger ce que je devais/pouvais laisser à Sana’a pour ne pas avoir à payer une surtaxe trop importante.

Enfin, je me dirige vers la salle d’embarquement. Dans laquelle, bien sûr, aucun panneau n’indique où et quand partent les avions. S’ensuit un chassé croisé dans le hall pour finalement apprendre qu’une seule porte fonctionne et que les avions sont donc chargés vol après vol (…). Après tout ça, la vue de câbles pendant sous les ailes de l’avion de manière suspecte ne m’arrachait plus qu’un soupir, tout comme le fait de se retrouver à côté de la porte de secours dans l’avion, et de sentir cette même porte trembler pendant tout le vol. Je privilégiais alors l’option « je me rapproche du gros saoudien suant », et m’éloignais au maximum de la porte, répondant à un simple (mais malheureux pour mes cellules olfactives) instinct de survie.

Après ces premiers épisodes, ENFIN j’arrive à Damas, et commence ENFIN à sourire. Pas trop longtemps quand même. Fort de l’affirmation de l’ambassade française à Damas qu’il est possible d’obtenir un visa à l’aéroport, je me présente au guichet avec mon passeport flambant neuf, et orné d’un seul et unique visa yéménite. Mon optimisme chute rapidement quand le douanier me dit que non, on ne donne pas de visa à la frontière. A ce stade là, la force même de jurer a disparu, remplacée par des envies de meurtres. Après avoir passé presque deux heures dans les bureaux de l’immigration (aussi sexys que les commissariats yéménites, seul le président dans les milliers de posters agrafés sur le mur a changé), j’obtiens un visa d’un mois, non prolongeable… On verra plus tard. Pendant ce laps de temps, les bagages de mon vol ne sont plus sur le tapis roulant, bien sûr… Je demande à un bagagiste. Qui de manière évidente savait, mais voulait mériter un bakchich. Je fais donc le tour de la salle avant de m’apercevoir moi-même que ma valise était sur le côté, là où j’étais entré. Après avoir tenté de me débarrasser de l’envahissant relou (et l’avoir arnaqué en lui donnant des riyals yéménites…donnant donnant, arnaqueur arnaqué : je reprenais des couleurs), je sors de l’aéroport pour appeler l’hôtel réservé par mail depuis le Yémen. Bien entendu, ma réservation a été elle aussi annulée, et plus de chambres disponibles.

Dans un élan de naïveté, je monte dans un taxi pour Damas, et lui demande s’il connait un hôtel pas cher, n’ayant plus le courage ni la patience de chercher par moi-même. A posteriori, j’aurai du me forcer. Délesté d’une somme parisienne pour le taxi et propulsé dans un hôtel à la façade se voulant ressemblante à un chateau fort (avec dans le role des chevaliers Saladin, Geronimo ou encore une forme de Davy Crockett arabisé), je commençais mon séjour en Syrie de la meilleure des manières. Et allais me coucher directement, au moins aussi puant que mon voisin saoudien du vol Sana’a-Damas… Des débuts rêvés donc.

Edit : la positivitude qui se dégage de ce message est due à l'écriture à chaud... Relativitude à venir.

Sana'a - Aden : résumé en photos

Peu de temps pour écrire depuis mon arrivée (disons que, pour protéger nos intérêts communs, c'est l'excuse que vous aurez à retenir) à Damas... Je me contenterai donc de quelques photos pour combler le vide! Résumé en photos d'abord d'un road trip excitant et... surprenant... de Sana'a à Aden, capitale sudiste aux vélleités séparationnistes.

Voyage de tout repos. 15 minutes après avoir quitté Sana'a, premier check point. Simple formalité annoncée qui se transforme rapidement en lourdeur administrative de plusieurs heures. Des manifestations ayant lieu dans les alentours d'Aden, interdiction pour nous de passer. Apres moultes négociations, destination finalement confirmée. Le voyage se fait donc sans encombres...Avec la désagréable sensation tout de même d'avoir une cible dans le dos avec écrit "touriste, shootez moi", sensation générée par le sympathique soldat juché sur une mitrailleuse relativement intimidante dans la jeep militaire qui nous suivait. Soldats prévenants, qui nous accompagnèrent jusqu'aux toilettes aux approches de Dam'ar, sorte de supermarché pour Al Qaeda et affidés, où l'on trouve haricots, fêves et fruits. Mais aussi lance roquettes et kalachnikovs, à des prix défiants toute concurrence!

Expérience yéménite oblige, on ne s'offusque pas, circulez ya rien à voir... Ambiance totalement surréaliste en réalité, au beau milieu de paysages magnifiques et divers... [je raconterai et publierai d'autres photos dans les jours à venir...]

Départ de Sana'a pour Ta'ezz, à mi chemin entre Sana'a et Aden.
De Yémen fin
De Yémen fin
(Admirez au passage l'habileté et l'acharnement du mâcheur de qat, on air H24, 7j/7, n'importe ou)


Arrivée à Aden le lendemain...Aden, ville moderne
Et accueillante
De fait, on se fond dans le paysage. Vous constaterez ici que je n'ai pas changé physiquement.


Enfin retour de nuit vers Sana'a, sous l'oeil bienveillant de nos amis soldats.